Denis Bouclon, un éducateur au long cours entre résilience, diplomatie et engagement panafricain
De la banlieue parisienne à Kaboul, en passant par Reykjavik, Dublin, ou encore Nairobi, Denis Bouclon incarne une vision de l'éducation comme levier de transformation des sociétés. Enseignant, chef d'établissement, haut fonctionnaire, auteur et désormais Secrétaire général du Haut Commissariat des Diasporas Africaines de France (HCDAF), il a fait de l'enseignement un pont entre les cultures, un moteur de développement et un espace de paix, même dans les zones de turbulences géopolitiques les plus fortes. Portrait d'un bâtisseur d'avenir, discret mais déterminé.


Un enseignant enraciné dans la transmission
Titulaire d'un cursus en lettres modernes et en sciences de l'éducation, Denis Bouclon fait ses premières armes en région parisienne, au début des années 1990, dans un contexte social parfois complexe. Très vite, il comprend que l'école ne peut être un sanctuaire déconnecté de la réalité sociale, elle doit être un acteur. Il s'engage alors dans la formation des enseignants à l'Université Paris-Nanterre, avec un mot d'ordre : transmettre le goût du savoir et l'exigence de justice éducative. Il y enseigne jusqu'en 1999, avant d'ouvrir un autre chapitre.
L'international comme terrain d'action

En 1999, il prend la direction de l'Alliance française de Reykjavik, en Islande. Dans un pays au tissu culturel dense mais éloigné de la francophonie, il développe des ponts, des projets d'échanges, et fait rayonner la langue française. Un rôle de diplomatie douce, avant de rejoindre l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), où il devient un pilier des établissements français hors de France.
Il sera ainsi proviseur du lycée Esteqlal de Kaboul entre 2003 et 2005, une mission de haut vol dans un Afghanistan post-taliban encore sous tension. Là-bas, il prend les rênes d'un établissement historique francophone, à proximité du palais présidentiel. Malgré les coupures d'électricité, les conditions de sécurité précaires et un environnement marqué par les séquelles de la guerre, Denis Bouclon réinvente l'école comme refuge. Il restaure le centre culturel du lycée, organise des projections de films, renforce la formation des enseignants locaux, et fait de la langue française un passeport pour l'avenir. « Nos élèves s'appropriaient avec avidité les connaissances et s'enorgueillissaient de s'adresser à nous en français », témoigne-t-il.
Du terrain à la politique éducative
De retour en France, Denis Bouclon poursuit son engagement à des niveaux stratégiques. Proviseur dans plusieurs lycées, il prend également la direction d'un établissement scolaire avec une clinique psychiatrique pour adolescents. Une expérience singulière qui l'ancre davantage encore dans une approche holistique de l'enseignement, articulée autour du soin, de la résilience et de la construction identitaire.
Nommé Délégué du Gouvernement au Commissariat général à l'égalité des territoires en 2016, puis Directeur de l'éducation, de la jeunesse et de l'enseignement supérieur en Charente puis en Nouvelle-Aquitaine, il coordonne des politiques publiques visant à garantir l'égalité des chances, notamment dans les territoires fragiles. Il y impulse des dispositifs de soutien aux jeunes, renforce les passerelles entre formation et emploi, et défend la décentralisation de l'innovation éducative.

Une plume engagée sur les lignes de fracture

Écrivain à ses heures, Denis Bouclon a publié deux ouvrages qui reflètent ses préoccupations géopolitiques et pédagogiques : L'éducation en situation de post-conflit (2016) et La frontière Algérie-Mali, creuset des trafics et du terrorisme (2021). Le premier s'intéresse à la reconstruction des sociétés par l'école dans les zones dévastées par les conflits ; le second décrypte les tensions géostratégiques à la lisière du Sahel.
Dans ses livres, il pose des questions fondamentales : comment l'enseignement peut-il être vecteur de paix ? Quels sont les leviers éducatifs pour prévenir les conflits ? Il plaide pour une diplomatie éducative, souvent négligée dans les grands discours sécuritaires.

HCDAF Women's Summit : l'homme de l'ombre des grandes causes
En mars 2025, Denis Bouclon coordonne le HCDAF Women's Summit à l'Institut du Monde Arabe. L'événement, organisé sous la présidence de Rachida Kaaout, célèbre le leadership féminin africain à travers le Prix Makéda. Plus de 250 participantes y assistent. Denis Bouclon, en sa qualité de Secrétaire général du HCDAF, orchestre l'événement avec rigueur et passion. Il anime les débats, sélectionne les profils, structure les ateliers. Il le dit lui-même : « Ce sommet a été conçu comme un espace d'inspiration, de partage et de networking. »
« Erasmus Afrique », une vision panafricaine de la jeunesse
C'est dans cette logique de convergence entre pédagogie, souveraineté et avenir que Denis Bouclon a proposé en 2024 un projet ambitieux : Erasmus Afrique. Inspiré du modèle européen, ce programme vise à favoriser la mobilité des étudiants, des enseignants et des jeunes professionnels à l'échelle du continent africain. L'objectif est de renforcer les échanges interculturels, développer les compétences locales, freiner la fuite des cerveaux et promouvoir une intégration éducative panafricaine. Une initiative largement saluée, à l'heure où plus de 60 % de la population africaine a moins de 25 ans. Dans sa vision, Erasmus Afrique n'est pas qu'un dispositif logistique, c'est une réponse stratégique aux défis du XXIe siècle, qui allie justice éducative, solidarité et ambition géopolitique.
